FTQ
Définition
Le délégué social est un membre d’un syndicat local qui participe à la vie syndicale. Son implication syndicale privilégie l’entraide avec les salariés qui rencontrent des difficultés personnelles ou professionnelles. Cette entraide se base sur l’écoute.
Au sein de son entreprise, le/la délégué(e) social(e) accueille les personnes qui ont besoin de parler de problèmes liés à l’organisation du travail ou à leur vie privée (toxicomanie, endettement, etc.). Il/Elle les oriente vers les interlocuteurs internes ou externes appropriés en s’appuyant sur un guide de ressources.
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Le Canada étant un État fédéral, les relations de travail peuvent relever soit du Code du travail fédéral ou d'un code du travail d'une des provinces ou territoires. Mais selon la constitution, c'est majoritairement au niveau provincial que sont règlementées les relations de travail.
Au Québec il n’existe pas de dispositions encadrant la qualité de vie au travail (QVT) contrairement à l’Accord national Interprofessionnel mis en œuvre en France en 2013.
Le Québec est le territoire où l’on retrouve le plus grand nombre de salariés syndiqués en Amérique du Nord. La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) est le plus important regroupement syndical du Québec par son nombre d'adhérents (plus de 600 000 membres, soit 44 % des syndiqués de la province). La majorité de ses membres sont masculins et 60 % sont employés dans le secteur privé.
Si les organisations syndicales ont longtemps privilégié la défense des salaires et la sécurité de l’emploi, elles investissent de plus en plus le champ du bien-être au travail pour améliorer la qualité de vie au travail.
Elles répondraient ainsi à une demande de leurs adhérents, qui ne compteraient plus autant sur le syndicat pour améliorer leurs conditions salariales, mais espèreraient plutôt qu’il puisse remédier à la dégradation de leurs conditions de travail. Les syndicats, quant à eux, trouveraient là une possibilité de lutter contre la baisse continue du taux de syndicalisation.
Le réseau des délégués sociaux (que nous résumons par « DS ») mis en place depuis plus de 30 ans témoigne de cette volonté d’intervenir sur la qualité de vie au travail. Face aux transformations des milieux de travail, la F.T.Q. a créé la fonction de DS, en collaboration avec une organisation philanthropique appelée Centraide[1], ainsi qu’un réseau de coordinateurs pour animer, soutenir et fédérer ces DS parfois isolés. Ce réseau comptait, en 2013, plus de 25OO délégués sur le territoire québécois.
Les délégués sociaux, des aidants naturels en milieu de travail
Les délégués sociaux ont pour mission première d’intervenir auprès de leurs collègues de travail en difficultés. Ils peuvent les conseiller, les accompagner et les orienter vers des ressources professionnelles (médecin, psychologue, avocat, banquier, etc.), et ce, en toute confidentialité. Bien qu’il existe dans les entreprises au Québec un programme d’aide aux employés (PAE) mis en place par l’employeur, le réseau des DS s’en différencie par une entraide non professionnelle par des pairs, accessible à tout moment pendant les heures de travail.
Les DS exercent ces fonctions de manière volontaire, quel que soit leur métier, leur âge, leur sexe ou leur expérience. Une formation de trois jours est obligatoire pour devenir délégué social ; elle est accessible à tous les adhérents de la FTQ. Par la suite les DS ont l’opportunité de suivre d’autres formations sur la base du volontariat. Il n’existe pas de professionnalisation du rôle, avec par exemple un cursus et des remises à niveau régulières obligatoires.
Cela évite la responsabilisation juridique du DS qui conseille le salarié non comme un intervenant professionnel, mais comme l’aurait fait un proche ou un ami de ce dernier. La lourdeur psychologique de la tâche requiert des qualités et des aptitudes spécifiques ainsi qu’un suivi par le réseau inter-professionnel et inter-entreprises. Le délégué social a parfois besoin de se confier à quelqu’un, et il peut s’appuyer sur le coordinateur.
L’intervention première des DS en entreprise concerne avant tout la détresse psychologique des collègues de travail. Une détresse qui peut se traduire par de l’absentéisme, du présentéisme, de l’alcoolisme, voire, dans des cas extrêmes, le suicide.
Un rôle méconnu
Il semble que le réseau des délégués sociaux ne soit pas un dispositif toujours bien connu des salariés.
Dans le même temps, l’employeur peut ne pas être ouvert à l’existence d’un réseau dans son entreprise, surtout lorsqu’un programme d’aide aux employés (PAE) existe déjà pour les salariés qui ont des problèmes personnels. Dans ce cas, la pertinence d’un réseau de délégués sociaux pose question.
De plus l’employeur, mais également les salariés, peuvent avoir du mal à faire la différence entre un délégué syndical et un délégué social, surtout lorsqu’une même personne occupe les deux rôles.
Le DS se heurte également à la résistance de la section syndicale du syndicat local lui-même. Dans certaines sections syndicales, on préfère délaisser l’aspect « social » de l’action syndicale.
Des délégués sociaux parties prenantes de la qualité de vie au travail
Malgré ces difficultés les délégués sociaux peuvent souvent agir sur le plan de la prévention en relation avec l’employeur. Ils participent ainsi aux aspects globaux touchant l’organisation et les conditions de travail. Parfois, très rarement en réalité, le délégué social occupe un poste permanent à temps plein. A ce moment les conditions d’exercice de son rôle de DS ont été négociées dans la convention collective de l’entreprise (cf. annexes 15 et 16). La société le reconnaît comme une profession à part entière. Le délégué social dispose alors de ressources matérielles et d’autonomie. Il peut exercer sa fonction en toute légitimité en organisant, par exemple, des conférences ou des campagnes de prévention sur la santé, le harcèlement ou le suicide.
Peut-on mesurer les résultats du travail du délégué social sur le bien-être des collaborateurs ? Il n’existe pas d’étude sur le sujet. Le réseau existe depuis plus de 30 ans et continue de se développer. Nous émettons l’hypothèse qu’il donne des résultats et qu’il correspond à un besoin. En effet, le travail du délégué social produit de l’aide et de l’entraide, c’est-à-dire des services concrets ; il se réalise avec les autres, c’est un réseau ; il est apolitique et bénévole ; enfin il prend en compte les émotions. Nous pensons que cela explique pourquoi les délégués sont présents dans les entreprises et pourquoi les salariés font appel à eux.
Il convient néanmoins de s’interroger sur leur rôle. Nous avons vu au début de ce chapitre que le délégué social est membre d’un syndicat. Le rôle de délégué social est-il compatible avec un engagement syndical ? Comment concilier le rôle légal, technique et revendicateur du délégué syndical avec le rôle humanitaire du délégué social ? La réponse se trouve très certainement dans la posture adoptée par le délégué. Il/Elle doit avoir la capacité à prendre de la distance par rapport à sa fonction et à composer avec ses identités plurielles. Pour cela il/elle peut s’appuyer sur la formation reçue, mais surtout sur le réseau qui va l’aider à faire face aux situations.
En résumé, les acteurs syndicaux au Québec ont la capacité d’agir sur la qualité de vie au travail. Au-delà des relations de travail dans l’entreprise, le délégué social s’assure du bien-être de ses collègues en s’ouvrant sur les problématiques personnelles.
Pour cela, la reconnaissance du délégué social dans son milieu de travail, que ce soit par l’employeur comme par le syndicat, est fondamentale parce que ce groupe de travailleurs est en mesure d’identifier collectivement les sources de souffrance au travail et de permettre ainsi au groupe d’apporter des solutions.
[1] Centraide du Grand Montréal est une organisation philanthropique qui apporte depuis 1983 une aide financière pour soutenir le réseau des délégués sociaux de la FTQ
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